lundi 8 mai 2017

OUF !

C’est probablement ce que se sont dits beaucoup d’électrices et d’électeurs qui ont porté le bulletin Macron dans les urnes pour éviter la Le Pen Fhaine. La peur, la crainte, distillées par les médias de propagande depuis des semaines, voire des années sert toujours de programme ou en tout cas d’argument électoral : le rejet comme vote. Et malheureusement, le score majestueux qui en ressort est valorisé au bénéfice du seul candidat le soir des résultats. Bien sûr, cela ne reflète pas la réalité car ce ne sont pas des votes d’adhésion et les pourcentages ne reflètent pas grand-chose.

Derrière les pourcentages

La France compte une population d’environ 66 725 000 habitant-e-s. Il y a 47 582 000 inscrit-e-s sur les listes électorales. Au premier tour, quatre candidat-e-s étaient autour de 20 % entre 7 et 8 millions d’électeurs-électrices pour chacun-e. Il y a eu pour ce deuxième tour de l’élection présidentielle, un taux d’abstention record (depuis 1969) de près de 26 %,  environ 12 300 000  et un taux record de votes blancs (nuls) de 8,9 % soit près de 4 200 000 votants. Au total, cela nous fait près de 35 % soit 16 500 000 qui ne se sont exprimés pour aucun de deux candidats.
On peut entendre les paroles de victoire, l’un d’être élu, l’autre d’avoir augmenté le nombre de votants en sa faveur, mais derrière les pourcentages forts (66,06 % pour Macron et 33,94 % pour Le Pen)  cela traduit par rapport aux électeurs inscrits ne représente que 43 % pour Macron (en plus, pas tous des votes d’adhésion, loin de là) et 23 % pour Le Pen. Loin d’une majorité de français-es. Ainsi, M. Macron est légalement élu 8ème président de la Vème République Française, mais loin d’une légitimité majoritaire. Quant à Mme Le Pen, son électorat ne représente pas même un quart des inscrits. Il s’agit donc de relativiser les résultats présentés d’une façon ou d’une autre : 16 millions d’électeurs-électrices ne se sont pas exprimés en faveur de l’un ou l’autre, 31 millions ont voté pour l’un ou l’autre.
Le nouveau jeune président a sans aucun doute lu les chiffres ainsi et sait ce qui l’attend.

                               

L’enjeu de la présidentielle : les législatives
C’était le titre de ma chronique du 10 mars dernier et cela ne fait que se confirmer. Avec quatre candidats autour de 20 % au premier tour, il est évident que cela se retrouvera à l’élection législative des 11 et 18 juin prochains. En analysant de près ces résultats par circonscriptions et en intégrant le fait qu’il faut 12,5 % des inscrits pour être au deuxième tour, il est fort probable de se retrouver avec des triangulaires, voire des quadrangulaires le soir du 11 juin. Et tout est ouvert alors pour avoir une assemblée à quatre composantes...et sans majorité pour Emmanuel Macron et son gouvernement. Ce n’est pas pour rien qu’il a annoncé dans son programme qu’il gouvernerait par ordonnances c’est à dire SANS le Parlement ! Très démocrate...et républicain !
La question est donc : que feront les « perdants » ? Bien sûr, les négociations des partis laminés sont déjà engagés avec des marchandages habituels de circonscriptions réservées pour des sortants, etc...Mais la fin de non-recevoir dans ces conditions par En Marche et France Insoumise est logique et cohérente, même si cela est présenté tout à fait autrement par les médias de propagande qui annoncent que ces deux pôles refusent les offres des autres partis ! PS, PC, EELV, LR n’ont pas encore intégrés qu’ils ont été éliminés, désavoués depuis un moment et donc vont disparaître du paysage sous cette forme. Mais ils n’acceptent pas encore, tant les jeux internes de pouvoir et l’apport d’argent public par le biais des Législatives est pervers. Chaque voix rapporte une somme au parti pendant la durée de la législation. C’est une part de leur « fond de commerce » et ils ne veulent pas lâcher. Aurons-nous des candidatures diverses à cette élection législative à venir ? Si le PS n’a pas compris après le premier tour de la Présidentielle, c’est qu’il est dans la spirale de « droit dans le mur » jusqu’au bout et qu’en aucun cas, il ne veut lâcher son ex-leadership sur la gauche au profit de Jean-Luc Mélenchon et de son mouvement France Insoumise : hégémonique comme toujours ! Le PC veut négocier des circonscriptions « réservées » pour ces sortants et essayer de sauver encore un peu un parti qui n’a pas su se renouveler ; EELV veut sauver quelques têtes de leurs cadres carriéristes en essayant d’obtenir des circonscriptions, alors que ce parti avait signé déjà un accord dans ce sens avec le PS avant le premier tour : opportuniste jusqu’au bout.
Les écolos de pacotille et les PS traitres ont déjà rejoint Macron depuis un moment : plus la peine de les citer, de toute façon, ils n’ont plus de garantie de l’emploi : pour eux, faire de la politique c’est un métier, pas un engagement ! Quant au FN, il va subir aussi des tensions internes après la Législative car deux lignes vont s’affronter entre Marine et Marion et on le verra bien lors de leur congrès de 2018. Quant à Dupont-Aignant, il a plombé tout seul un micro parti qui se voulait gaulliste mais qui a pactisé avec l’extrême-droite : un non-sens ...contre nature ! Le FN sera toujours un parti de protestation, mais certainement pas un parti de gouvernement, il faut savoir le reconnaître.
Il ne reste donc plus qu’à espérer des candidatures uniques France Insoumise à gauche pour un résultat qui pourra équilibrer les forces politiques présentes dans ce pays. La droite LR présentera de toute façon des candidats (sarkozystes). Et avec En Marche qui s’appellera « la république en marche » et le FN-Marine qui s’appellera « les patriotes » il y aura la même composition que pour le premier tour de la Présidentielle et donc peut-être une composition du Parlement tout à fait inhabituelle et sans majorité gouvernementale. Prémisse d’un changement de fonctionnement institutionnel ? Cela serait l’aboutissement d’une révolution citoyenne qu’on a vu à l’oeuvre tout au long de cette longue campagne électorale.
Si je laisse deux points positifs au nouveau président, ils seront ceux-là : avoir cassé les partis traditionnels et avoir rajeuni l’image présidentielle.
Car pour le reste, je ne me fais guère d’illusions sur un programme libéral financier où le social et l’écologie n’auront qu’une part minime et symbolique.

 
Emmanuel Macron revisite les symboles de la République
Il est arrivé sur le parvis du Carrousel du Louvre à 22h30 ce dimanche 7 mai 2017. Une longue marche solitaire en gros plan avec comme fond sonore l’hymne européen. Cela ressemblait -et c’était calculé et volontaire- à la marche de Mitterand au Panthéon après son élection. Il a invoqué l’esprit des Lumières qui fondent notre Constitution en rappelant notre devise républicaine écornée depuis quelque temps : liberté, égalité, fraternité. Il a invité sur scène après son discours convenu sa famille, Brigitte sa compagne qui était sa prof de lettres avec ses enfants et petits-enfants et des proches ? Belle image au style Obama.
Il présentera son premier ministre et son gouvernement à la passation de pouvoir à l’Elysée prévue dimanche 14 mai. Sa composition sera observée de près car cela révélera l’équilibre fragile qu’il souhaite instaurer afin d’influer sur l’élection législative.
Il a déjà présenté ses axes principaux, école, travail, culture avec des directions prioritaires : la moralisation de la politique (Fillon et Le Pen seront-ils convoqués chez les juges rapidement ?), la réforme du travail (plus de flexibilité, accord d’entreprise au-dessus des accords de branche) , gouverner par ordonnances pour une mise en œuvre rapide (mais en contournant ainsi le débat démocratique de l’Assemblée Nationale ),…
Il sait qu’il a été élu par rejet du FN pour une part importante, il sait qu’il n’aura pas de majorité au Parlement, il sait que sa marge de manœuvre est faible et que son image souriante peut être retournée facilement.
L’élection législative commence dès maintenant et sera révélatrice des changements en cours soit en les accentuant soit en les atténuant. C’est donc un laboratoire détaché à présent de la peur qui était liée au second tour de la Présidentielle.

La France est multiple et riche de sa diversité. Les points de vue différents doivent être entendus et écoutés, cela fait partie du débat démocratique dans une République où la parole est libre. Une politique marchande et financière ne peut pas être le socle qui participe au bien-être d’une population qui subit l’austérité et la précarité. Les biens communs ne sont pas des valeurs économiques. Diviser pour régner, imposer un modèle qui ne satisfait pas une majorité n’est pas une perspective constructive durable. Nier les changements profonds qu’ils soient sociaux ou environnementaux, c’est refuser de voir la réalité de ce que vivent nos concitoyen-ne-s et empêcher les espoirs (et les rêves) de notre jeunesse.

L’avenir n’est pas écrit….


                        les illustrations sont de Pat Thiébaut        www.lagitedulocal.com

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